« Je n’ai pas d’obligation plus pressante que celle d’être passionnément curieux »

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Surprise
Y a-t-il encore des grands Hommes (européens) ? PDF Imprimer Envoyer
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Écrit par Nicolas SALVI   
Samedi, 01 Mai 2010 06:54

 
Les hommes font l’histoire mais ne savent pas l’Histoire qu’ils font. Un grand Homme ne peut être qualifié comme tel qu’a posteriori. Dès lors, une question récurrente revient dans le débat public quand il est question d’Europe : y a-t-il un pilote dans l’avion ? Robert Schuman et Jean Monnet ont marqué l’histoire par leur volonté politique et leur désir européen matérialisés dans le discours du 9 mai 1950. Courageux et révolutionnaire, il a scellé le destin de l’Europe en marquant le début de la construction européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui, avec ce mélange de supranationalité et d’intergouvernementalisme qui la rend si unique. Face à une telle déclaration, est-ce d’un grand Homme ou d’un grand discours dont nous avons besoin aujourd’hui en Europe ?


            Le grand Homme européen introuvable ?

« Y a t il encore des grands Hommes ? » C’est à cette question que de nombreux candidats aux carrières du service public ont déjà dû répondre. En effet, ce grand homme se caractérise par la croyance collective en son caractère extraordinaire. Elle peut s’extérioriser au frontispice de monuments comme le Panthéon (« Aux grands Hommes, la Patrie reconnaissante ») ; néanmoins, elle pose le paradoxe entre le rôle d'identification entre sa personne et une mission historique, et son déclin contemporain. En ce sens cela doit-il nous amener à susciter les vertus d'un grand Homme (européen) ou nous amener à de nouvelles formes de rassemblement et d'unité en Europe ?
En réalité, il s’agit sans doute d’un subtil mélange dont l’Union européenne a besoin, en effet la présidence française de l’Union européenne au deuxième semestre 2008 a démontré la capacité de l’Europe à faire émerger un grand Homme ou du moins à susciter la rencontre d’une volonté personnelle et d’une mission politique ou historique. La récente crise grecque a démontré, s’il le fallait encore, que l’un des moteurs de l’Europe était constitué par le couple franco-allemand, éclipsant temporairement le triumvirat de l’UE. Les hommes européens – les grands Hommes de surcroît – se font rare en Europe. Pourtant, elle en a et en aura besoin dans un monde multipolaire, et marqué par le déclin annoncé du Vieux Continent. Le débat sur le choix du président permanent du Conseil européen avait permis d’y réfléchir ; les noms de Tony Blair, Jean-Claude Junker ont démontré la faiblesse du caractère européen des carrières de certains hommes d’État. Aussi salvateur aient-elles été, ces tergiversations se sont soldées par le choix de « celui qui fera le moins d’ombre entre nous » pour adapter une formule connue de la vie politique française.


             La dernière trouvaille à la portée des citoyens européens…


Force est de constater que l’émergence de grands Hommes n’est pas une sinécure, les efforts doivent donc s’appuyer sur le renforcement de l’unité au travers d’un grand discours. Ce n’est peut-être pas tant d’un grand homme dont on a besoin, mais d’un discours. Comme le soulignait Alain Lamassoure, ce qui reste de la déclaration du 9 mai 1950, c’est avant tout le couple franco-allemand mais également l’idée de construction progressive, créant des « solidarités de fait ». Or, cette démarche des petits pas a fait un grand saut avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne – qui soit dit en passant, n’a pas de père – et plus particulièrement avec l’introduction du droit d’initiative démocratique. Par ce biais, chaque citoyen deviendra un grand Homme, car si un million de citoyens de six ou sept pays font une pétition dans un domaine où l’Union n’est pas intervenue, la Commission européenne sera invitée à agir. Dès lors, elle sera obligée de faire suite au Conseil des ministres et au Parlement européen du problème soulevé, et ce dernier sera d’ailleurs tenu de lancer un débat.
Les grands Hommes sont donc de notre responsabilité politique collective, par le choix des candidats (européens) aux élections internes, mais aussi par l’exercice de ce droit de pétition. C’est à la prise de conscience citoyenne de ces moyens que dépendront pour une large part le destin de l’Europe et la séduction voire la passion unissant un projet et un peuple.

Cet éditorial est issu d’une conférence organisée le 12 avril 2010 par les Jeunes Européens Bordeaux, intitulée « 60 ans après la Déclaration Schuman, le choix de l’Europe est-il devenu politiquement incorrect ? ». 

 


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